La loi de Bioéthique fait beaucoup parler puisqu’il y est notamment question de l’ouverture de la PMA aux hommes transgenres. Malheureusement les différents amendements ont été rejetés et la PMA ne leur sera donc pas accessible, pour le moment.
Que dit le projet de loi
C’est l’article 1 du projet de loi Bioéthique, qui a ouvert le débat. En effet il prévoit une ouverture de l’accès à la PMA pour “les couples de femmes et les femmes non mariées”. Plusieurs députés ont alors déposé des amendements afin d’ouvrir ce droit également aux personnes assignées femmes à la naissance, mais devenues hommes à l’état civil sans pour autant avoir eu recours à une opération. La nuance est importante car cela leur laisse ainsi encore la capacité de porter un enfant.
Un plaidoyer qui n’aura pas été entendu
Le rapporteur de la loi de Bioéthique Jean-Louis Touraine n’aura pas réussi à convaincre l’hémicycle de donner accès à la PMA aux hommes transgenres.
“L’Histoire nous donnera raison. Il est évident que les transgenres ne peuvent pas être maintenus dans une situation anormale”. Jean-Louis Touraine a ensuite renchéri : “Ils n’ont pas de pathologie. Ils n’ont pas choisi leur situation. C’est la nature qui les a conduits à cela. Il est temps de leur donner les mêmes droits que les hétérosexuels et les homosexuels.” Des arguments qui n’auront pas su convaincre puisque l’amendement a été rejeté à 44 voix contre, pour 27 voix en sa faveur. Il reste donc encore un peu de chemin à parcourir pour que le gouvernement accepte enfin d’accorder le droit à l’accès à la PMA pour les hommes transgenres.
Pourtant, des hommes trans portent déjà des enfants
En novembre 2016, la loi de modernisation de la justice avait ouvert la voie à plus de flexibilité quant à l’acceptation du changement de genre à l’état civil. “Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification”. Le passage par la chirurgie avait alors été rendu non obligatoire comme l’Australie est en train de le voter actuellement. Parallèlement, la stérilisation n’est plus exigée non plus pour un homme transgenre depuis la même période.
Ainsi, comme le souligne Yannick Favennec Becot, député UDI. “L’accès à l’AMP (aide médicale à la procréation) doit concerner tous les projets parentaux”. Aussi, il lui paraît évident qu’un homme à l’état civil puisse être en capacité de porter un enfant. Le sujet avait donc été mis sur la table. Et de nombreux députés ont déposés des amendements en ce sens. Ils ont aussi pris la parole pour défendre ce droit, malgré un premier rejet en commission.
Il ajoute :
“Les personnes transgenres sont victimes de précarité. Beaucoup plus que d’autres en raison de leur mise à la marge par notre société”, a regretté Bastien Lachaud, député de la France Insoumise. Il est important que l’égalité soit totale. Parce que ces personnes n’ont pas choisi d’être trans. La transition est un passage compliqué, long, difficile. Et il est important que la société accompagne ces personnes et leur garantisse l’égalité des droits.”
Cette égalité des droits est d’autant plus importante que la situation existe déjà. Il a en effet déjà été vu des hommes trans porter des enfants. Une situation délicate puisqu’il existe un vide juridique à ce sujet. En refusant la PMA aux hommes trans, on retirerait un droit à ces personnes. Et on inscrit une interdiction générale par omission.
Le sexe à l’état civil qui prime
Face à cette question délicate, l’argument des « contre » est de rester basé sur le sexe inscrit à l’état civil. Ceci afin de pouvoir avoir la même référence. Il s’’agit en effet d’un critère clair et objectif qui permet ensuite de déterminer l’ouverture ou non de la PMA.
Mais il existe déjà des cas particuliers qui sont traités au cas par cas. Même en dehors du cadre de la PMA. Un couple par exemple est actuellement en attente d’un jugement de la cour de cassation pour que la mère de l’enfant (femme trans donc attribué au genre masculin à la naissance) soit reconnue comme mère sur l’acte de naissance. Une situation qui avait poussé la cour d’appel de Montpellier a accorder le statut inédit de « parent biologique » à défaut de l’appellation de « mère ».
Penser au futur
Il est donc important de prévoir les conséquences du changement de genre accordé par la loi sur les questions de filiation. Or pour le moment, il y a là un grand vide juridique qui a été rappelé lors des débats au sein de l’hémicycle. “Il va bien falloir qu’à un moment le législateur se prononce pour que le juge puisse, quand il est amené – et il le sera de plus en plus souvent – à rendre ce type d’arrêt, puisse s’appuyer sur une doctrine législative claire”, a réclamé Raphaël Gérard, député LREM. “Le juge n’est pas là pour faire la loi, il est là pour dire le droit”.
Malheureusement il existe pour le moment trop peu de cas de ce genre pour pouvoir se faire entendre. C’est en tout cas la réponse de la ministre de la justice qui rappelle qu’il “n’y a actuellement que deux contentieux aujourd’hui en France qui portent sur ces questions-là. La jurisprudence, dans les cas peut-être un peu plus complexes, pourra intervenir pour préciser ce qui doit l’être et de ce point de vue là. L’intérêt supérieur de l’enfant sera sans aucun doute pris en compte par la Cour de cassation”.
Un jour…
Il faudra pourtant bien à un moment se poser la question des conséquences du changement de genre à l’état civil. Car elles vont plus loin que le simple changement de « monsieur » en « madame » ou inversement. Les personnes trans ont aussi des envies de fonder une famille. Et elles attendent du gouvernement un peu plus d’aide en ce sens.
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