Interview : Julia, le petit scarabée devenu grand

Bonjour Julia, 

Nous échangeons aujourd’hui suite à la découverte de ton projet radiophonique “Portraits travesti-e-s/transgenres” avec ton association le Scarabée. À ce jour, ce projet, encore tout jeune, regroupe une quinzaine de personnes m’as tu dit. Et le concept est très intéressant d’après ce que j’ai pu en lire. Nous sommes donc là pour en parler et le faire connaître, car il a le potentiel de plaire à un grand nombre. 

 

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Toi qui es habituellement à ma place, tu es cette fois-ci l’interviewée ! Et je vais te poser quelques questions afin que chacun le découvre également. Prête ? 

 

– Peux tu te présenter stp ? (personne, parcours, activité, …)

J’ai 58 ans, je suis une personne solitaire, indépendante et très sociable, j’aime découvrir, apprendre et comprendre mon environnement, les êtres vivants. Je suis une personne posée, rarement impulsive. Je suis assez anti-conformiste, je n’aime pas les cases et si j’écris parfois au masculin d’autres fois au féminin, c’est un choix délibéré de ma part.

J’ai un  parcours de vie relativement classique, dans une société hétéro-normée, enfance heureuse,  petit dernier d’une famille nombreuse, mon père étant malheureusement décédé lors de mes deux ans et demi, je me suis marié, eu un fils, une vie professionnelle hétérogène, parfois chaotique, dans ce qu’on appelait à l’époque la « micro »-informatique et le web. Début 2000, je me suis séparé de ma femme, et à partir de ce moment j’ai découvert d’autres facettes de mon moi intérieur, la deuxième partie de ma vie, avant la troisième.

Mon activité actuelle est le monde de la radio, même si je suis demandeuse d’emploi, demandeur officiellement, et intéressée par tout opportunité.
C’est parti sur un pari fin 2016, j’ai monté une webradio dans l’espoir de la transformer en radio FM, j’ai appris le côté technique, mais aussi juridique, les relations presse, à monter des émissions, à interviewer, moi qui suis plutôt de nature réservée voire timide, cela m’a obligé à me mettre en avant, une bonne chose !

 

– Tu es toi même non binaire, comment l’as tu découvert ? Quand as tu fait ton coming out non binaire ?

J’ai découvert ma non binarité assez tardivement après ma séparation début 2000. Cela s’est fait de manière soft, c’est une évolution de ma vie, j’ai toujours fonctionné  ainsi par réflexion, remise en question. Savoir s’il y avait des signes avant coureur, peut-être, et en fait je m’en moque. J’ai une vieille photo où je devais avoir une dizaine d’années habillé en femme par une de mes sœurs … mais j’ai toujours aimé me transformer en un autre moi.

J’ai fait mon coming out il y a un an auprès des personnes que je côtoie dans mon quotidien à Tarbes, je l’ai fait via Facebook.   

 

– Quelle sont été les réactions autour de toi ?

Auprès de ma famille, ma mère étant décédée depuis 13 ans, mes frères et sœurs sont très ouverts. Mon fils est gay, marié avec un canadien, son mari fait partie de la famille. Une de mes sœurs m’a écrit « Si t’es bien dans tes baskets, c’est le principal » et c’est leur seule préoccupation.

Auprès de mon entourage quotidien, évoluant plutôt dans un milieu artistique, ça se passe très bien, en fait rien ne change, ayant toujours les mêmes rapports. Parfois, il y a des interrogations tout à fait naturelles, on en parle et on continue nos vies.

 

– Ton projet « Le scarabée » a-t-il pris naissance à ce moment là ? D’ailleurs d’où vient ce nom ?

Le Scarabée est le nom de mon association qui chapeaute tous mes projets radiophoniques dont mon émission hebdomadaire rock, Trafic 2 Rock et ce projet de Portraits qui a pour objectif de donner la parole à des minorités invisibles. Ce nom vient en fait d’un surnom que m’a donné un grand ami et fait référence aux Beatles. Mais il y a d’autres symboliques venant de l’antiquité, notamment en Égypte qui est la représentation du dieu soleil.

 

– Peux-tu nous parler plus en détails de ton projet, de son concept ? A qui s’adresse-t-il ?  Quels sont les objectifs ? Quelles sont tes envies par rapport à lui ? 

Comme je viens de le dire, ce projet de Portraits a pour objectif premier de donner la parole à des personnes invisibles, des êtres humains, qui composent notre société.
Dans cette première série, j’ai choisi pour thème « Travesti-e-s, Transgenre » parce que d’une part personnellement je suis impliquée et d’autre part pour déconstruire une mauvaise image qu’a, à mon avis, l’opinion publique envers ces personnes.

L’objectif est donc de proposer un autre regard ou approche vis à vis de ces personnes via des radios FM locales en milieu rural. Pourquoi en milieu rural ? Parce que ce sont dans ces territoires que les préjugés, les a priori, ont la « peau » dure contrairement aux grandes villes où la diversité est plus importante, des structures d’aide, d’informations sont plus présentes. J’ai vécu à Paris les 30 premières années  de ma vie et le reste en province, et j’y ai senti une nette différence de culture notamment à ce sujet.
Le deuxième objectif par rapport à ce thème est d’aider aussi d’autres personnes qui sont isolées, d’autant plus en milieu rural avec plus de pressions, à avancer dans leur projet de vie. Le fait d’écouter des témoignages de personnes ayant vécu la même situation, certain-e-s vivant pleinement leur vie, leur permettra, je l’espère, de se dire « je ne suis pas seul-e, j’y arriverai ».

Mes envies sont de diffuser, de partager cette série de portraits au maximum, milieu rural ou ailleurs, d’apporter plus de compréhension entre binaires et non-binaires pour apaiser les tensions qui existent et sont réelles, et vivre en paix. C’est utopique mais c’est en apportant chacun-e sa petite pierre qu’on avancera, et chacun de ces portraits est une petite pierre.     

 

– En as tu parlé à ton entourage ? Qu’en pensent-ils ? 

Dans mon entourage proche là où je vis, non pas particulièrement sauf au peu de personnes qui vivent la même situation et qui sont prêtes à y participer. Dans mon entourage virtuel Internet, là beaucoup de personnes trouvent cela intéressant, de là à y  participer c’est beaucoup moins évident et je le comprends face à certaines contraintes, même si je propose aussi de déformer leur voix pour rester en complet anonymat.

 

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– Pourquoi veux tu donner plus d’écho aux personnes non-binaires à travers ton projet ? Qu’apportes tu de différent par rapport à un média classique ? 

Parce que les personnes non-binaires sont des êtres humains comme les autres, qu’elles participent tout autant que les autres à la vie de notre société quotidiennement, de ce fait je ne vois pas pour quelles raisons les non-binaires n’auraient pas la même reconnaissance que les personnes binaires. Nous sommes au XXie siècle et plus au Ve ou VIe après J-C …

Je suis très attachée au son, et pour ce projet, je demande aux personnes d’enregistrer leur propre voix. Chacun-e a sa propre musicalité, sa tonalité, ses silences, ce qui donne un caractère plus intimiste et profond. L’image/vidéo a tendance à parasiter, à apporter une subjectivité. Et puis une radio peut s’écouter partout tout en faisant autre chose aussi. C’est beaucoup plus libre.

 

– As tu des libertés avec ton projet que tu ne pourrais pas avoir sur une (web)radio « classique » ? Si oui, lesquelles ?

Mon projet est déjà très cadré de par son objectif, et je veux que ce soit diffusable sur n’importe quelle (web)radio et à n’importe quelle heure et si possible de grande écoute, c’est l’intérêt. Ceci implique que la vie privée, je pense notamment à la sexualité, n’a pas sa place, cela ne concerne personne et ce n’est pas le sujet. Donc, non je ne m’autorise aucune liberté. Je veux ouvrir ces portraits au plus grand nombre, de ce fait il y a des contraintes et faire tout et n’importe ne servira d’autre qu’à détruire l’objectif initial.

 

– As-tu une rencontre qui t’a plus interpelé qu’une autre ? Si oui, laquelle et pourquoi ?

Je n’ai que des contacts e-mail, donc pas de rencontre physique. J’ai eu effectivement un contact avec une jeune transgenre qui m’a aidé à mieux orienter mon projet, à l’ouvrir. J’ai 58 ans, travesti, j’ai un vécu plus important, elle a 25 ans, transgenre, elle est au début de vie. Et j’ai beaucoup apprécié sa vision, les rectifications qu’elle a apporté, c’était un échange très instructif et constructif.

 

– Y a t il des similarités que tu rencontres souvent dans tes interviews ou chaque vécu est unique ?

Pour l’instant, à l’heure où je réponds à ton interview, vu que ce projet est lancé depuis cet été, j’ai peu de retours enregistrés, vacances obligent, donc je ne peux sincèrement pas te répondre. Ce projet, je l’ai avec moi depuis plus d’un an, j’ai eu entre temps des échanges intimes avec plusieurs personnes qui m’ont raconté leur vie, chacun-e a son propre parcours comme tout le monde binaire ou non-binaire, avec plus ou moins de bonheur. Mais on retrouve toujours cette même interrogation « Pourquoi tant d’intolérance ? ».

Je sais que ce projet mettra du temps à sortir sur les ondes, je suis patiente et persévérante, et il sortira. Je sais aussi, par expérience personnelle, que c’est loin d’être évident de se confier, de peser ses mots, c’est un questionnement/travail sur soi-même et je le comprends totalement 

 

– Dans l’idéal, où te vois tu dans 5 ans avec ton projet ? Allez lâche toi, on a le droit de rêver, parfois ça se réalise ! 

J’ai peu l’habitude de me projeter aussi loin lol … mais bon je vais faire un effort !

J’aimerais que ce projet me mène à d’autre projets similaires avec d’autres personnes. J’ai pris l’habitude de travailler seule, c’est très pesant mais à plusieurs c’est mieux.

Mais j’ai effectivement un rêve, celui de créer une radio FM indépendante et libre. 

 

– As-tu un message à partager ? Que pourrais-tu dire à ceux qui te lisent, ceux qui t’écoutent et ceux qui veulent faire parti de ton projet ?

Comme je l’ai dit, j’amène ma petite pierre, non pas pour construire un mur, ni une maison fermée, mais comme le petit poucet pour suivre un chemin qui mène à une vie meilleure. Chacun-e peut le faire à sa manière, et si vous êtes intéressé-e par mon projet pour le mener à bien, alors bienvenu-e !

 

– Merci pour ta patience et ta gentillesse. Un dernier mot pour la fin ? 

Le dernier mot sera pour toi, merci énormément d’une part pour ton site qui m’a apporté à titre personnel des réponses à mes questionnements, qui aide par ailleurs d’autres personnes, et d’autre part de m’avoir proposé cet interview ! 

 

Si vous souhaitez en connaître plus sur le projet et y participer, rendez vous sur le site Le Scarabée. Vous pouvez aussi contacter directement Julia ici :

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le-scarabee

 

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