Aux États-Unis depuis le mois d’avril, la Cour Suprême s’est mise en tête de s’attaquer à l’examen des dispositifs de lutte contre les discriminations faites aux homosexuels et aux personnes trans dans le travail. Même si cela part d’une très bonne intention, ce soudain intérêt pour la communauté LGBTQ n’est pas forcément une bonne nouvelle. Voici pourquoi.
Moderniser la loi fédérale de 1964
La Cour Suprême a décidé de mettre le nez dans des problématiques des discriminations faites à l’encontre des personnes LGBTQ. Elle traite ainsi 3 dossiers de licenciement qui ont été contestés. Il s’agit de 2 hommes homosexuels et une femme trans qui estiment que leurs droits n’ont pas été respectés. Ces dossiers seront étudiés à l’automne et une décision sera rendue en 2020.
Il s’agit ici surtout de trancher une bonne fois pour toutes sur la lecture de la loi fédérale de 1964. Celle-ci interdit les discriminations « sur la base du sexe » (entre autres choses). Doit-elle être étendue à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre de la personne. En effet, il s’agissait à l’époque de la promulgation de cette loi, de lutter contre les discriminations hommes/femmes dans le travail. Le sujet s’est désormais étendu à d’autres problématiques. Et il paraît important de les englober dans cette loi pour que chacun soit traité sur un base égalitaire.
Une politique visant à faire reculer les droits LGBTQ
Depuis l’arrivée de Trump au pouvoir en 2017, il a été constaté que ses prises de décisions allaient dans un sens du recul des droits de la communauté LGBTQ. La Cour Suprême est elle-aussi, très conservatrice. Sur les neuf juges, nommés à vie, qui composent la plus haute juridiction américaine, cinq sont des républicains conservateurs, contre quatre démocrates.
La bascule s’est clairement amorcée avec la démission du juge républicain Anthony Kennedy en juin 2018. En effet bien que plutôt conservateur sur les sujets économiques, il était plus libéral sur les questions de société. Et avait notamment voté pour la légalisation du mariage pour tous. Son départ a donc fait basculé la Cour Suprême vers encore plus de conservatisme. Notamment avec l’arrivée du très controversé et ultra-conservateur Brett Kavanaugh à sa place. On est donc très loin de la France où l’on trouve des initiatives comme la création d’un guide pour dédramatiser la transidentité en entreprise.
Une Cour Suprême dans l’exacte lignée de la politique de Trump
Depuis son arrivée au pouvoir, Trump s’est assuré de placer à cette Cour les juges les plus conservateurs qui pouvaient exister. Il s’assure ainsi qu’ils le suivraient dans sa politique. C’est une très mauvaise nouvelle en particulier pour la communauté LGBTQ qui est visée par le président. Car la Cour Suprême est très puissante. Elle est là pour trancher dans les cas où il n’existerait aucune loi votée par le Congrès. Elle est donc en quelque sorte responsable de décisions qui sont au-delà des lois. Avec des juges au profil ultra-conservateur, voire réactionnaire, la nouvelle Cour Suprême pourrait bien renverser l’ordre jurisprudentiel précédent.
Les intentions de Trump avaient d’ailleurs été annoncé très clairement lors de sa candidature en 2016. Par exemple lors d’un passage sur Fox News, il déclarait « envisager fortement » de nommer à la Cour suprême un juge « capable de renverser le mariage pour tous ». Une fois président, ce n’est pas un juge mais toute la Cour Suprême qui suit ses idées à la lettre.
Les droits des trans résumés aux toilettes
Plus récemment au début du mois d’octobre, la Cour suprême américaine a discuté de différentes affaires assez importantes liées aux droits LGBTQ. Visant à répondre à la question « Un employeur peut-il licencier un de ses salariés parce qu’il est homosexuel ou transgenre ? », le débat s’est vite concentré autour d’un sujet central, qui est loin d’être le plus important. Selon Mother Jones, qui relaie l’information, les avocats se sont appuyé sur un titre des droits civiques qui interdit plusieurs formes de discrimination, dont celles liées au genre ou à l’orientation sexuelle.
Mais contre toute attente, le sujet qui a animé les conversations se trouve être celui des toilettes. En effet les mots « bathroom » et « restrooms » (qui désignent les toilettes en anglais) ont été mentionnés 51 fois pendant les 5 heures du débat. Lors de l’audition d’Aimee Stephens (une femme transgenre licenciée pour avoir annoncé à son patron qu’elle allait porter des vêtements dits « féminins »), ces mots ont été prononcés 32 fois. Ce sujet est resté central dans le débat. Car il semble être le seul point que les juges pensent comprendre sur les enjeux des personnes trans.
Une décision contre la liberté
En effet pour le juge Sonia Sotomayor, le fait qu’une femme transgenre utilise les toilettes pour femmes est embêtant. Cela peut gêner les autres femmes qui seraient amenées à voir quelqu’un avec des attributs masculins utiliser ces mêmes toilettes. Elle a même ajouté « Donc, la question difficile est de savoir comment nous traitons cela ». Comme si le seul problème soulevé par ce licenciement qui apparaît comme abusif était l’utilisation des toilettes. Il apparait pourtant que ce soit le sujet favori des ultra-conservateurs (et opposants aux droits des trans) pour décrédibiliser le parcours des personnes trans.
Certains vont même jusqu’à affirmer qu’ils prennent alors le risque de laisser entrer des hommes prédateurs se disant femmes trans dans les toilettes pour femmes. Cette affirmation est d’ailleurs le fondement de bien des lois anti-trans mises en place par l’administration Trump. Un autre juge, Neil Gorusch s’est dit quant à lui inquiet d’une entrée des personnes LGBTQ dans cette loi. Car cela pourrait déclencher « un bouleversement social total ».
Attendons 2020 pour connaître la teneur de l’arrêt qui sera décidé par la Cour. Mais cette période de campagne présidentielle n’est pas la meilleure. En effet, car elle devrait servir de test pour la haute Cour et les juges nommés par Donald Trump.
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