Les Khawajasiras, la révolution du 3ème sexe au Pakistan avance

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Chaque société a un nom pour désigner sa communauté transgenre. Le Pakistan ne fait pas exception et a nommé la sienne les Khawajasiras.

 

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Les Khawajasiras ou aussi communément connus sous le nom de « hijras » regroupent les personnes transgenres (transsexuels particulièrement), les travestis et les eunuques. Et leur statut au Pakistan est assez trouble. Bien que l’homosexualité soit réprimée fortement, cette minorité voit ses droits évoluer et fait face à une certaine ouverture d’esprit de la part des législateurs. 

 

Une situation ambigue

Le Mexique a ses Muxes, la Thaïlande ses Katoeys, et les îles ses Rae Rae, le Pakistan a quant à lui ses Khawajasiras. Ce nom générique représente le 3ème sexe pour désigner la grande famille des personnes transgenres. Cette communauté, comme ailleurs, ne fait pas exception à la violence subie, que ce soit par les locaux ou même les forces de l’ordre.

Certaines femmes transgenres ne comptent plus le nombre d’humiliation, de viols ou de rackets subis par ces derniers. Vivant au quotidien des violences brutales et humiliations, Farzna, cofondatrice et présidente de l’association TransAction, dont la voix rauque trahit son sexe de naissance, a déposé une plainte dans presque tous les postes de police du KP, mais en vain.

«Plus de 50 khawajasiras ont été tuées entre 2015 et 2016 dans cette seule province», a-t-elle souligné, racontant d’un calme fatalisme comment elle a été violée à plusieurs reprises et a été l’objet de racket et de chantage par la police.

Aujourd’hui dans ce pays, ces personnes prétendent être les héritiers culturels des eunuques ayant prospéré à la cour des empereurs mogols qui ont longtemps régné sur le sous-continent avant d’être bannies par les colons Britanniques au 19ème siècle.

 

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Le Pakistan est par la suite devenu l’un des premiers pays au monde à reconnaître légalement le troisième sexe, représentant au moins un demi-million de personnes dans le pays, selon plusieurs études – et jusqu’à deux millions, d’après TransAction.

Depuis 2009, ces dernières ont pu obtenir une carte d’identité à titre de «khawajasiras», et plusieurs ont pu se présenter à des élections. Un tribunal de Lahore a rendu la décision de les prendre en compte lors du prochain recensement, qui aura lieu cette année.

 

L’organisation TransAction au secours des Khawajasiras

Au Pakistan, l’avenir des personnes transgenres n’est pas très reluisant. Très souvent, elles sont condamnées à proposer leurs services pour des rituels, des bénédictions ou de la danse pour animer soirées et événements. Et pas toujours de façon officielle. On retrouve aussi beaucoup les activités de prostitution et de mendicité, avec tout le flot de violence, d’extorsion et de discrimination qui vont de paire. 

C’est pourquoi Farzana a cofondé l’organisationTransAction pour venir en aide à ses congénères qui subissent les mêmes choses qu’elle, une organisation de défense des droits lancée en 2015 à Peshawar, capitale de la province profondément conservatrice de Khyber Pakhtunkhwa (KP). Le déclencheur s’est fait lorsque les Talibans ont envahi le Pakistan et que personne ne voulait aider les personnes transgenres à fuir le pays.

 

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In this photograph taken on February 10, 2017, Farzana, a member of the Pakistani transgender community, applies makeup at her home in Peshawar.
Modern-day Pakistani transgender people claim to be cultural heirs of the eunuchs who thrived at the courts of the Mughal emperors that ruled the Indian subcontinent for two centuries until the British arrived in the 19th century and banned them. / AFP PHOTO / Abdul MAJEED / TO GO WITH Pakistan-gender-social-lifestyle-politics-rights,FEATURE by Caroline Nelly Perrot

 

TransAction compte actuellement 40 000 abonnés sur sa page Facebook, et les journaux locaux commencent à s’intéresser aux hijras, relançant ainsi le débat sur leur statut au Pakistan.

« De nombreuses ONG ont travaillé avec la communauté des transgenres, mais principalement dans le domaine de la prévention du VIH, alors que la priorité de notre organisme est la protection contre la violence, le harcèlement, les attaques et l’extorsion ».

 

Une ouverture de la loi

Si la communauté est soumise aux lois et fait face à de nombreuses injustices, il semblerait pourtant que la loi commence à basculer de leur côté. 

«Elles sont les créations de Dieu, d’Allah, et donc devraient avoir les mêmes droits que nous», a déclaré la députée conservatrice Amina Sardar, qui a fait voter une législation pour le de droit de vote des khawajasiras.

«Voilà ce que je prêche, les Hijras sont musulmanes, des êtres humains comme nous, avec les mêmes droits», a fait savoir le mollah Tayyab Qureshi, imam de la mosquée principale de Peshawar.

Plusieurs mesures de soutien ont déjà été votées, et la province du KP travaille sur un programme de protection des transgenres qui, une fois adopté, deviendra la deuxième mesure mise en œuvre par une province en Asie du Sud. Mais éducation et emploi sont les deux points noirs sur lesquels de gros efforts restent à faire car ils sont toujours aussi difficilement accessibles à la plupart. On trouve pourtant des exceptions comme la présentatrice Marvia Malik. Les Khawajasiras doivent aussi se méfier de celles qui se prétendent « mères » mais qui agissent plutôt comme des proxénètes en puissance dès le plus jeune âge de celles qui viennent se réfugier vers elles. 

 

En 2018, 1ère marche des fiertés trans au Pakistan

Puisque la loi semble évoluer dans le bon sens, on a pu aussi découvrir avec surprise et bonheur, la 1ère marche des fiertés le 29 décembre 2018 à Lahore. Cette manifestion a permis à la communauté de faire entendre ses messages par le gouvernement, notamment pour appeler ce dernier à mettre en oeuvre la réforme des droits pour les personnes transgenres. 

 

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En effet, en cette fin d’année, Les manifestant.e.s défilaient, entre autres, pour réclamer la mise en oeuvre du « Transgender Person Act », une loi instituant des droits fondamentaux pour les personnes transgenres, votée le 8 mai dernier par le Sénat.

Le texte permet aux personnes trans’ de déterminer elles-mêmes leur sexe sur tous les documents officiels. En 2009, ce pays de culture conservatrice et patriarcale avait d’ailleurs été parmi les premiers au monde à légalement reconnaître un troisième genre. 

Le texte demande aussi d’interdire toutes les discriminations à l’encontre des personnes trans’ au travail, à l’école, dans les hôpitaux ou encore dans les transports en commun. Il semblerait que la marche ait eu l’effet escompté et que la communauté sait se faire entendre auprès du gouvernement, qui devient de plus en plus sensible à leur cause, à tel point qu’aux dernières législatives, des personnes transgenres avaient pu se présenter en tant que candidates. 

 

 

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